Le prix des multiplex a momentanément été influencé par les récents resserrements des règles de l’assurance prêt hypothécaire
Dans le «Mot de l’économiste» du mois passé, nous avons traité de l’effet des récents resserrements des règles en lien à l’assurance prêt hypothécaire sur les ventes résidentielles au Québec. Ce mois-ci, nous nous demandons si ces nouvelles règles ont eu un impact momentané sur les prix, entre le moment de leur annonce et leur entrée en vigueur.
Une comparaison des prix de vente et des prix demandés
Nous avons utilisé comme mesure non pas le taux de croissance des prix, mais plutôt la proportion des ventes effectuées à un prix supérieur au prix demandé. Il s’agit normalement de cas où plusieurs acheteurs se font concurrence pour acquérir une même propriété, donnant lieu à des offres multiples.
Au cours des dernières années, même dans un marché fortement à l’avantage des vendeurs dans la plupart des régions de la province, la proportion de transactions conclues à un prix supérieur au prix demandé est demeurée faible. Le graphique 1 montre l’évolution de cette proportion à l’échelle de la province depuis janvier 2005. Elle représentait entre 2 % et 3 % des transactions seulement, exception faite de deux périodes :
- celle durant les trois mois précédant avril 2010, qui correspond au deuxième resserrement des règles de l’assurance prêt hypothécaire; et
- durant les trois mois précédant mars 2011, qui correspond au troisième resserrement des règles de l’assurance prêt hypothécaire. Ces périodes sont identifiées par les zones hachurées sur le graphique.
Nous avons vérifié, à l’aide de tests d’hypothèses, si l’impact des resserrements sur la proportion de ventes conclues à un prix supérieur au prix demandé était significatif d’un point de vue statistique. Autrement dit, est-ce que l’annonce d’un changement des règles de l’assurance prêt hypothécaire expliquerait, en bonne partie, les pointes observées sur le graphique?
Les resserrements de l’assurance prêt hypothécaire ont momentanément créé une pression à la hausse sur les prix
Dans un premier temps, les résultats obtenus laissent voir que tant l’annonce du resserrement d’avril 2010 que celle de mars 2011 ont eu un impact significatif, à la hausse, sur la proportion de ventes conclues à un prix supérieur au prix demandé. Lors de ces deux périodes, certains acheteurs ont précipité leur achat, de sorte que la demande est devenue momentanément bien supérieure à l’offre, créant inévitablement une pression à la hausse sur les prix.
D’autre part, il faut comprendre que l’application des nouvelles règles a eu un impact important sur le pouvoir d’achat de certains acheteurs. En effet, avant la mise en application des nouvelles règles, il était possible pour un acheteur de financer un plus gros montant, et ce, comme le démontre l’exemple décrit dans l’encadré. Dans cet exemple, un acheteur qui choisissait une hypothèque à taux variable pour un terme de cinq ans pouvait emprunter un montant maximum de 327 500 $, mais ne pouvait emprunter qu’un maximum de 213 500 $ après l’application des nouvelles règles. Dans un contexte d’offres multiples, de façon rationnelle, certains acheteurs ont préféré élever un peu leur offre. Pourquoi? Afin qu’ils puissent présenter une promesse d’achat acceptée à leur prêteur hypothécaire avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles et qu’ils puissent ainsi emprunter un montant plus élevé.
Le resserrement d’avril 2010 a eu un impact plus important
Dans un deuxième temps, comme le suggère le précédent graphique, nos résultats démontrent que l’impact a été moindre lors du resserrement des règles de mars 2011 que lors de celui d’avril 2010. Ainsi, la réduction de la période maximale d’amortissement de 35 à 30 ans a eu un moins grand impact que les changements annoncés en février 2010; ils exigeaient de satisfaire les critères de solvabilité liés à une hypothèque de cinq ans à taux fixe. Mais le resserrement de 2010 comportait un autre changement de règle qui touchait directement les propriétés résidentielles d’un à quatre logements, des multiplex pour la plupart.
Des effets perceptibles surtout au niveau des multiplex
Parallèlement, nos résultats révèlent que ce sont surtout les multiplex (deux à cinq logements) qui ont vu augmenter leur proportion de ventes réalisées à un prix supérieur au prix demandé (voir graphique 2). Trois facteurs peuvent expliquer cet état de choses : premièrement, le multiplex présentait déjà au départ les conditions de marché les plus serrées, c’est-à-dire que l’offre était déjà beaucoup plus rare que la demande. Deuxièmement, leur prix, généralement plus élevé que les autres catégories de propriété, implique des emprunts plus élevés et rend leur achat (et leur prix) plus sensible aux conditions de financement.
Finalement, suite au resserrement d’avril 2010, la règle relevant la mise de fonds minimale de 5 % à 20 % dans le cas d’immeubles dont aucun logement n’est occupé par le propriétaire a incité une autre catégorie d’acheteurs à investir. Le bond dans la proportion de ventes de multiplex conclues à un prix supérieur au prix demandé au cours de la période précédant l’entrée en vigueur de cette mesure a probablement été alimenté par un certain nombre d’acheteurs qui étaient à la recherche d’une petite propriété à revenus uniquement à des fins d’investissement et qui ont choisi d’acheter tout juste avant que la mise de fonds minimale soit relevée.
Un phénomène perceptible dans les régions de Montréal, Québec et Gatineau
Sur le plan géographique, nous avons testé dans chacune des régions métropolitaines, si ces resserrements de l’assurance prêt hypothécaire ont eu un impact sur la proportion de ventes réalisées à un prix supérieur au prix demandé. Nous en concluons que l’impact a été significatif dans les régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de Gatineau, et ce, tant pour le resserrement d’avril 2010 que pour celui de mars 2011. À l’inverse, l’impact n’a pas été significatif dans les régions métropolitaines de Saguenay, Sherbrooke et Trois-Rivières.
Comme ce sont surtout les multiplex qui ont fait l’objet d’offres multiples, il n’est pas surprenant que les marchés des régions de Montréal, Québec et Gatineau aient été les plus touchés. Dans chacune de ces régions, on a constaté que les quartiers centraux ont été les plus touchés.
Vous pouvez obtenir une version complète avec les graphiques en cliquant ici!
Ce texte a été écrit par le service Analyse du marché de la FCIQ : Paul Cardinal, directeur Camille Laberge, économiste Paola Rodriguez, adjointe à la recherche économique
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