Une maison souterraine (ou de Hobbit!) a des courbes douces, enfouies sous terre, écologique, confortable et lumineuse pour un prix modique : un doux rêve en passe de devenir réalité. Cette maison parfaitement intégrée dans la nature a été conçue par le cabinet Californien Binishells.
«Dans un trou vivait un Hobbit»
Ainsi commence la célèbre histoire de Bilbo, le Hobbit, narrée par Tolkien. Et si demain notre habitat ressemblait à celui de ces petits personnages? : une maison recouverte de terre, confortable, qui s’intégrerait harmonieusement dans le paysage et vous mettrait à l’abri de tous les changements climatiques annoncés. Crise écologique, économique et énergétique oblige, la culture troglodyte fait son grand retour et l’habitat enterré ou semi-enterré pourrait émerger comme une tendance durable. Très discrètement, les maisons protégées par la terre commencent à se faire construire ici et là. Je ne connais pas encore aucun projet qui a été conçu au Québec.
Maisons souterraines par sudotone
Maison souterraine : une solution esthétique et écologique
Fini les factures de chauffage! Cette idée d’habiter la terre n’est pas vraiment nouvelle. C’est à la fin des années 60 que l’architecte Malcolm Wells développa ce concept. D’après lui, toute construction provoque un traumatisme pour l’environnement et la maison idéale devrait pouvoir se fondre dans le paysage, consommer ses propres déchets, suivre le rythme de la nature, résister aux intempéries, et ce, tout en étant jolie. Tout un programme, encore bien loin de nos schémas actuels : «Nous vivons dans une ère de bâtiments fastueux et de la maison trophée : grosse, laide, arrogante… Peu d’entre nous réalisent qu’il y a une méthode douce de construction», jugeait-il.
Ce type d’habitation présente en réalité énormément d’atouts : elle permet de limiter au maximum le chauffage — voire de s’en passer — en utilisant les qualités thermiques de la terre, dont la température constante est d’environ 13 ° C. Aux beaux jours, le soleil pénètre dans la maison souterraine et la chaleur est absorbée vers la terre qui la restitue en hiver. La maison se chauffe ainsi, dès l’automne, avec l’énergie de l’été. Si les premières maisons enterrées étaient complexes, coûteuses et peu esthétiques, quelques visionnaires ont fait progresser la technique.
Ainsi, dans les années 1980, en pleine période de choc pétrolier, John Hait, un physicien américain, a optimisé la température de la maison et sa protection contre l’humidité en développant une jupe isolante faite de bâches en plastique et de plaques en polystyrène. Comme un parapluie, elle empêche l’eau de s’infiltrer dans la terre entourant la maison souterraine.
Patrick Baronnet, précurseur de la maison écologique et autonome, depuis quarante ans, s’avoue séduit, mais s’interroge : «L’idée d’utiliser l’inertie de la terre est prometteuse, mais la mise en œuvre paraît onéreuse et peu écologique. Pour éviter l’éboulement, il faut une infrastructure très solide. Avec les toitures végétales très à la mode actuellement, quand il pleut, la charge de rétention d’eau est énorme et amène des complications.»
Projet franco-californien
Nul doute que Tolkien a également inspiré Antoine Strauss, jeune génie de 23 ans, pour sa future maison : enterrée, tout en rondeur, belle, lumineuse, mais surtout confortable et autonome — un tel prototype, ouvert aux visites du public, est prévu pour septembre 2013. Antoine a déjà réalisé une première maison souterraine «brouillon» comme il l’appelle. Un brouillon plutôt convaincant d’après ses visiteurs : en six mois, il a bâti tout seul une bulle de 35 mètres carrés, enroulée dans la terre, ne nécessitant aucun chauffage et isolée de l’humidité, le tout au coût de 3 000 euros!
Son plan en poche, Antoine sillonne les États-Unis à la rencontre de visionnaires de l’habitat, issus de trois courants qu’il veut réunir : les maisons bulles, les maisons enterrées et les maisons écologiques. «J’ai simplement repéré de brillantes idées de différentes techniques que je réunis, précise-t-il. Le cabinet californien Binishells, qui compte parmi ses adeptes des célébrités, vient d’accepter de me prêter main-forte pour construire mon prototype français.»
Dans la lignée des maisons bulles, les maisons Binishells ont des allures futuristes avec leur dôme en voile de béton. Elles utilisent une technologie écologique innovante qui permet de se passer de grues et de coffrages, grâce à de l’air propulsé. C’est donc cette technique qu’Antoine va coupler à l’habitat enveloppé par la terre. Il y voit plusieurs intérêts : double résistance procurée par le voile de béton et la forme ovale, rapidité de la technologie (deux jours pour créer la structure) et faibles coûts. «On creuse, on fait une dalle, on souffle une coque, puis on protège la maison souterraine, comme son nom le dit, avec de la terre, on intègre la technique du parapluie et on laisse l’herbe pousser.
C’est très simple, rapide et trois à cinq fois moins cher qu’une maison classique», résume le jeune entrepreneur. Et d’ajouter : «Il y aura une serre, avec de nombreux usages : production de chaleur, d’oxygène et de nourriture, zone tampon, jardin privatif, traitement de l’eau… Et il n’y aura plus de factures d’électricité grâce à des panneaux photovoltaïques ou en utilisant les calories de la terre; ni de factures d’eau, grâce à un système de récupération»; un bien joli conte devenu réalité.
Ghislain Larochelle