Il y a quelques années, j’ai pris des renseignements concernant une marge de crédit hypothécaire. Après avoir fait un bilan rapide de mes avoirs, l’employée très gentille m’a dit: «Je pourrais vous offrir 0,25% sous le taux directeur; mieux, si vous transférez votre REER autogéré avec nous, je vous donne 0,5% en bas de ce taux». Je suis certain que vous avez vécu des expériences similaires. Dans le cadre de la loi, certaines situations sont illégales alors que d’autres sont permises: c’est ce qu’on appelle respectivement la vente coercitive et le prix de faveur. Démystifions ensemble les contextes et relevons les différences.
La vente coercitive
L’article 459.1 de la «Loi sur les banques» interdit aux banques de faire de la vente liée coercitive. Plus précisément, une banque contrevient à la loi si elle exerce «des pressions indues pour forcer une personne à se procurer un produit ou un service auprès d’une personne donnée, y compris elle-même ou une entité de son groupe, pour obtenir un autre produit ou service de la banque.» Autrement dit, on ne peut vous forcer à acheter un produit ou service dont vous ne voulez pas en provenance d’une banque ou d’une société membre d’un groupe pour pouvoir obtenir un autre produit ou service. Les deux exemples suivants illustrent bien ce qu’est une vente coercitive et ce qui n’est pas permis:
- Votre agent préposé aux prêts hypothécaires vous dit que vous êtes admissible à un tel prêt. Il ajoute toutefois que la banque n’approuvera votre prêt hypothécaire que si vous transférez vos placements à la banque ou à une de ses sociétés affiliées. Vous désirez obtenir ce prêt hypothécaire, mais sans avoir à transférer vos placements.
- L’agent de crédit de votre banque vous dit que vous êtes admissible à un prêt avec lequel vous n’aviez pas l’intention d’acheter des produits de placement du Groupe Financier Banque TD. Toutefois, il vous informe également que la banque n’approuvera votre prêt que si vous utilisez l’argent pour acheter des produits de placement du Groupe Financier de cette Banque. Vous voulez obtenir ce prêt, mais vous souhaitez investir l’argent ailleurs.
Le prix de faveur
Lorsqu’une entreprise accorde un prix de faveur à un client, elle lui consent un rabais ou un meilleur taux pour la totalité ou une partie des affaires transigées avec elle. Cela équivaut à une offre d’un restaurant à service rapide offrant un hamburger à seulement 0,19$ à la condition que vous achetiez des frites et une boisson gazeuse. Un second exemple serait un opticien offrant une deuxième paire de lunettes gratuite à l’achat de la première paire. De même, une banque peut vous offrir un prix de faveur, comme un taux d’intérêt supérieur sur un placement ou un taux d’intérêt inférieur sur un prêt, si vous utilisez d’autres produits ou services. Les deux exemples qui suivent illustrent en quoi consiste l’obtention d’un prix de faveur dans les banques.
- Après avoir approuvé votre demande de prêt hypothécaire, votre agent de prêts hypothécaires vous informe que vous pourriez obtenir un taux d’intérêt inférieur pour ce prêt hypothécaire si vous transfériez vos placements à la banque ou à une entité de son groupe.
- Après avoir approuvé votre demande de prêt REER, votre agent de crédit vous offre un taux d’intérêt inférieur sur votre prêt si vous utilisez celui-ci pour acheter des fonds communs de placement à cette banque.
Les pratiques illustrées ci-dessus sont acceptables. L’approbation de votre prêt hypothécaire ou de votre prêt REER n’est pas conditionnelle à l’achat d’autres produits ou services de la banque. On vous offre plutôt un prix de faveur pour vous encourager à confier davantage d’affaires à la banque. À l’inverse, lors de la vente coercitive, la banque vous demande toujours quelque chose à sacrifier. Mon expérience vécue était donc un prix de faveur et non une vente coercitive illégale.
Ghislain Larochelle