(Montréal) L’explosion de la surenchère immobilière révélée cette semaine par La Presse Affaires ne découle pas des seules lois de l’offre et la demande.
La psychologie entrerait aussi en ligne de compte. «Il y a nettement un sentiment d’urgence chez les acheteurs de maison», a déclaré hier Lynne Kilpatrick, première vice-présidente, Services bancaires aux particuliers, BMO Banque de Montréal.
D’après un sondage réalisé pour le compte de la BMO, une bonne partie des Canadiens intéressés à acheter une maison subissent ces jours-ci une forte pression. Un stress causé par l’explosion des prix et la perspective rapprochée d’une hausse des taux hypothécaires, il incite des milliers de gens à devancer l’achat de leur résidence. À tout prix, ou presque. Environ 15% des répondants affirment avoir participé à une «bataille des offres» pour mettre la main sur la propriété de leur rêve. Et 14% de ceux dont les offres ont été rejetées croient que cette expérience les a poussés à «trop dépenser» au cours de leur transaction suivante.
La Presse Affaires révélait cette semaine que le phénomène de la surenchère a presque doublé depuis deux ans dans l’île de Montréal. Près de 7% des transactions réalisées depuis six mois ont été conclues à un prix supérieur à celui affiché. Quelque 3,7% des acheteurs ont versé plus de 5000$ que le prix demandé depuis six mois, comparativement à 1,5% il y a deux ans. Un citoyen que nous avons interrogé a offert 65 000$ de surprime pour un duplex du quartier Villeray!
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le tiers des Canadiens interrogés par Harris-Decima disent avoir perdu le sommeil en raison du stress lié à la démarche d’achat d’une nouvelle résidence. Le sondage a été mené du 16 au 22 février auprès de 1000 propriétaires âgés de 25 à 45 ans.
Bataille immobilière
Par ailleurs, peu de détails ont filtré hier quant à la bataille qui se dessine entre l’Association canadienne de l’immeuble (ACI) ― qui représente 98 000 agents immobiliers au pays ― et le Bureau de la concurrence.
Le Bureau a déposé le mois dernier une poursuite contre l’ACI devant le Tribunal de la concurrence, accusant le regroupement de «pratiques anticoncurrentielles». En gros, le Bureau estime que les agents restreignent de façon indue l’accès au Service interagences (MLS), ce qui empêche l’émergence d’une nouvelle formule moins coûteuse pour la revente. L’ACI a annoncé lundi qu’elle ouvrirait davantage MLS aux particuliers, mais les changements ne satisfont pas le Bureau, bien au contraire. La poursuite est maintenue, et l’ACI a jusqu’à demain pour déposer sa défense devant le Tribunal.
À quel moment les changements à MLS entreront-ils en vigueur? Les différentes chambres immobilières ont pour mot d’ordre du pays de les implanter «dès que possible», selon l’ACI. Mais celles à qui nous avons parlé hier disent attendre le signal de l’ACI… À la fin du processus judiciaire. Or, cela prendra au moins six mois, voire un an.
L’ACI n’a pas répondu aux nombreux appels de La Presse Affaires en vue d’obtenir des clarifications, hier. Selon un article du Globe and Mail, le président de l’Association exclut toute entente à l’amiable et compte se défendre devant le Tribunal. Des milliards de dollars en commissions versées chaque année aux agents sont en jeu.
Maxime Bergeron, La presse, 25 mars 2010